Au-delà de la non-contradiction, en deçà des vérités creuses; je t’attendrai…


« Les fous, quand ils entendent, sont comme les sourds; c’est d’eux que le proverbe témoigne
qu’ils sont absents quand ils sont présents. »

Héraclite

Il y a à la base de l’entreprise de la connaissance un principe, un axiome, qu’il vaille la peine de démonter. Il s’agit du principe de non-contradiction. Depuis qu’Aristote en a fait l’axiome premier de la connaissance, elle a été reprise comme un donné, un allant-de-soi, mais n’est au fond qu’une pétition de principe ou même une simple norme de la démocratie érigée en principe premier.

Qu’on retourne lire les textes d’Aristote, surtout le livre Gamma de sa métaphysique, On remarque qu’il peine à trouver un argument solide sur lequel fonder ledit principe. C’est peut-être même par la nébulosité de sa fondation qu’Aristote a jugé bon d’en faire l’axiome premier de toute la connaissance, telle une arme infaillible contre les sophistes. Le principe est énoncé comme suit :

«  Il est impossible que le même appartienne et n’appartienne pas en même temps à la même chose, et du même point de vue et toutes les autres spécifications que nous pourrions ajouter, quelles soient ajoutée contre les difficultés dialectiques. »

Aristote Métaphysique, Livre Gamma 1005b 17-23

Nous verrons dans cet article que le principe de non-contradiction est en soi plus un postulat, ou un choix arbitraire, qu’une vérité. valant en tout temps et en tout lieu: je dirais même que c’est un artéfact du langage qui nous mène, par les mots de négation et les termes de polarité, à croire qu’il y a des énoncés qui ne tiennent pas. Et c’est précisément en démocratie que la valeur d’un énoncé est d’autant plus scruté qu’il y a un scrutin et une foule de citoyens pour nous juger: de plus que certaines positions sont opposées1, il est utile d’avoir un accusation de faute éliminatoire à utiliser contre son adversaire. Alors logiquement, il se trouvent peu de candidats près à se départir d’une telle arme en la dénonçant : le jeu où on doit faire très attention de ne pas se contredire pour ne pas être accusé est plutôt une entreprise d’invalidation massive que celle d’une quête de la connaissance.

Avons-nous déjà acquis une connaissance par le principe de non-contradiction? Non. C’est un principe disqualifiant qui nous fait croire qu’un énoncé est nécessairement faux s’il est contradictoire. C’est un principe négatif dans tous les sens du terme. Est-ce que « l’ensemble des ensembles qui ne se contiennent pas » pourrait se contenir lui-même et ne pas se contenir lui-même en même temps ? Ce fameux paradoxe de Russell tranche au coeur de la question: comme toute résolution de paradoxe, elle nous mène à réévaluer nos schèmes de pensée et notre vision du monde.

En l’occurence, je trouve dans le concept de vérité creuse un principe positif de connaissance. Une vérité creuse se défini par un énoncé qui est nécessairement vrai car l’antécédant d’une implication matérielle est faux. Si je dis “quand il pleut, je sors mon parapluie” mais qu’il ne pleut jamais, l’énoncé serait vrai. Or, la vérité creuse est fondée en logique! C’est lorsqu’on l’applique dans la “vraie vie” ou dans le langage naturel qu’il nous semble absurde. Pourtant le principe de non-contradiction opère le chemin inverse : il n’est pas fondé en logique, mais dans la “vraie vie” il nous semble tomber sous le sens. (n’est-ce pas là ce qu’on pourrait vraiment considérer paradoxal?) La question abordée en logique ici est : est-ce que A puisse impliquer ¬A sans que ¬A implique A et que cette vérité puisse servir de base à de la connaissance ? Si je peux vous en convaincre, alors la non-contradiction est démontée logiquement car la contradiction à un sens serait alors valide. À mes yeux, ce fameux « père-à-doxe » de Russell serait alors résolu. En effet, si l’ensemble puisse se contenir sans que ce lui-même qu’il contient se contienne lui-même, le paradoxe n’en devient plus un. Si le lui-même qu’il contient, ne se contient pas lui-même, alors l’ensemble se contient lui-même tout en ne se contenant pas lui-même sans pour autant que cela soit faux, on sera sur le bon chemin.

Une norme de discussion et non un principe de la raison

Tout de suite, en lisant la définition de la non-contradiction dans l’introduction, nous pouvons voir une erreur dans le principe. Lorsqu’il dit « et toutes les autres spécifications que nous pourrions ajouter, qu’elles soient ajoutées contre les difficultés dialectiques » Tout ce qu’il dit, c’est qu’il faut faire un effort de rhétorique, voire de sophistique, pour « contredire », non ce qui, mais celui qui semble se contredire. Il y a là une régression à l’infini. « Et toutes les autres spécifications que nous pourrions ajouter » est virtuellement une infinité de spécifications. Le langage est tel qu’il n’est pas possible de les énumérer toutes : si ce n’est pas le temps ou le point de vue, ça peut-être encore le niveau d’abstraction, la modalité, etc.

C’est une guerre totale, où toutes les aspects possibles de l’appartenance d’une chose à l’autre sont appelés à la ligne de front pour vaincre l’ennemi principal des socratiques : les sophistes, qui tenaient des discours opposés, pouvant convaincre la foule d’une opinion, puis ensuite de son contraire. La non-contradiction comme principe est l’arme d’Aristote contre les sophisteries. Cependant, cela ne veut pas dire que toutes les contradictions ne valent guère.

Par exemple : ‘Aristote est toujours bien vivant malgré qu’il soit mort’ n’est pas invalide comme énoncé. En tant que philosophe, sous ce seul aspect, elle est morte en ce qu’il n’y aura jamais plus de nouveaux ouvrages aristotéliciens, et à plusieurs égards, ce qu’il dit est « dépassé », en ce que nous avons adopté à bien des égards d’autres philosophies que la sienne, notamment en ce qui concerne la biologie. Mais sa philosophie est toujours bien vivante, dans le sens où nous appliquons sa loi de non-contradiction comme une Parole sacrée. Sa philosophie transmise dans ses textes est bien toujours vivante. Sa philosophie appartient aux vivants et aux morts à la fois. C’est son fantôme qui fait du paradoxe de la théorie des ensemble une « problématique ». C’est sa théorie de la non-contradiction comme principe de connaissance qui fait que nous croyons à la preuve par l’absurde : ou que même nous l’ayons nommé ainsi comme absurdité.

Lorsqu’il dit « et toutes les autres spécifications que nous pourrions ajouter quelles soient ajoutée contre les difficultés dialectiques » il précise sans honte que ce sont bien les défendeurs de cet axiome qui ajoutent les paramètres par lesquelles un même ne peut appartenir et appartenir à une même chose. Ainsi, Aristote fait de la métaphysique et de la non-métaphysique en même temps. Le livre s’appelle “Métaphyisque”. Le passage sur l’axiome de la non-contradiction suit directement celles sur l’être en tant qu’être, et est le premier axiome de la connaissance. Cependant, lorsqu’il énonce le principe, il a tôt fait de mettre les pieds dans la joute dialectique.

Il admet lui-même qu’on ne peut pas démontrer cet axiome, car il faudrait le faire pour chaque énoncé, ce qui serait une tâche infinie. S’il faut le faire pour chaque énoncé, alors il n’y a pas de démonstration logique, au sens où le cogito est une démonstration logique d’un principe premier. Et alors la non-contradiction n’est ni une loi, ni un principe: c’est une norme. Une règle qu’on se donne lorsque les débats publics à l’Assemblée présentent des oppositions : lorsque vient le temps d’établir une loi, soit qu’on l’établit, soit qu’on ne l’établit pas; on ne pourrait pas l’établir sans l’établir. Soit on va en guerre, soit on y va pas. Loin d’être métaphysique, cette loi semble vraiment plus un artféfact politique.

Une contradiction est un énoncé nécessairement faux

La contradiction comme un énoncé nécessairement faux est lui-même un énoncé nécessairement faux. (Preuve) par exemple, l’énoncé suivant est contradictoire : « Je n’ai pas pu arriver à l’heure, car je suis parti trop d’avance. » Cependant, il s’avère totalement vrai : « Le métro est tombé en panne entre deux stations et j’ai dû attendre des heures pour être évacué par une équipe de secours, mais si j’étais parti après l’annonce de la panne, j’aurais pu prendre un taxi. » Il est donc vrai qu’en ayant quitté trop d’avance, notre anti-héros se soit mis dans le pétrin et que s’il était parti plus tard, il aurait peut-être été à l’heure. Ce n’est pas ici qu’une question de jeu de langage, l’apparent chaos du monde rend de telles affirmations couremment vraies ! La contradiction semble, plutôt que de base à l’invalidation de l’énoncé et de l’énonciateur, une occasion d’ouvrir la discussion à d’autres possibilités qui peuvent être plus élevées.

Il est une expérience de pensée en physique quantique qui démontre bien le propos. Schrödinger propose d’imaginer un chat dans une boîte où se trouve une particule radioactive, ainsi qu’un détecteur de radioactivité qui lâchera un poison mortel pour le chat s’il détecte que la particule radioactive s’est désintégrée. Comme la théorie de la mécanique quantique est de nature probabiliste, à tout moment, il y a les deux possibilités : 1) soit que la particule se soit désintégrée 2) soit qu’elle n’est pas désintégrée. Il n’y a pas moyen de le savoir « sans ouvrir la boîte », ou disons de façon techniquement correcte : sans l’acte de l’observation qui viendra réduire le paquet d’ondes qu’est la particule radioactive en une valeur positive ou négative, nous devons assumer que la particule soit dans les deux états à la fois. Sans observer, la seule réponse possible à la question « le chat est-il vivant ou est-il mort? » est « il est dans une superposition des deux états ». Ainsi, le chat de Schrödinger, loin de n’être qu’une démonstration de l’absurdité d’appliquer les préceptes de la mécanique quantique à la vie réelle (comme certains sceptiques le prétendent), est une réelle mise en garde d’attendre d’ouvrir la boîte, d’aller observer pour obtenir, voir générer l’information qu’il nous manque avant de jeter le chat avec le poison de la boîte en croyant qu’il soit zombie mort-vivant.

La physique quantique à cela de bon, en ce qu’il nous fait voir l’aspect fondamentalement quantisé de la vie sur terre. Malgré toute l’information qui circule, on oublie parfois que bien que l’information soit là, ce n’est que lorsque nous allons la consulter qu’elle prend sa valeur de vérité. Le métro tombera-t-il en panne? Tant que rien n’est dit aux nouvelles, il faut pour le savoir, le prendre pour l’observer. L’apparente absurdité d’un propos est-il un non-sens? Tant qu’on a pas observé, il est dans la superposition des deux états : si il s’agit vraiment d’un non-sens, notre investigation termine en queue de poisson, mais s’il y a dans une contradiction un vérité d’ordre supérieur ou insoupçonnée, ça termine en une compréhension mutuelle de deux parties qui, en gardant le status quo de faire l’inquisition à la contradiction, n’auraient jamais pu se comprendre.

La norme de non-contradiction

La contradiction définie comme un énoncé nécessairement faux est une pure conjecture qui trouve ses racines dans la nature de la législation en démocratie et qui s’est retrouvée comme une cause universelle première, métaphysique, de la « fausseté » d’un énoncé, autant pour un physicien, qu’un logicien, un politicien ou un bon à rien. Voyons comment Aristote tente de réfuter la contradiction :

« Si l’opinion qui soutient la contradictoire est l’opinion contraire à une opinion, il est manifestement impossible à la même personne de croire en même temps que le même est et n’est pas. En effet, celui qui se tromperait sur ce point aurait en même temps des opinions contraires. »

Ibid. 28-32

Ainsi, il est question des opinions en tant qu’on les soutient ou ne les soutient pas. Dans ce schéma de pensée, ce sont des personnes qui viennent soutenir une opinion, ou ne pas la soutenir en tenant l’opinion contraire: il est clair qu’Aristote ne parle pas ici de simples « propositions » tel qu’ « il pleut » ou « Socrate est un homme ».

Il n’est même pas clair qu’il réfère à une simple opinion dans ce passage, mais il semble plutôt dépeindre des hommes qui sont en délibération : ce sont des positions dont il s’agit. Cette règle de non-contradiction est effective dans les assemblées délibérantes : il est difficile d’avoir des positions contraires en une même personne. Soit on est pour l’entrée en guerre, soit on est contre. Soit on vote pour tel candidat, soit pour un autre. En tant que nous n’avons qu’une seule voie au suffrage, il est impossible de se contredire lorsqu’on émet son vote. Encore aujourd’hui, si nous votons pour plus d’un candidat à la fois, notre vote est considéré annulé.

Une norme de la démocratie

Cela dit, il est aisé de voir en quoi la non-contradiction peut être une norme allant de soi en démocratie. Si quelqu’un prend toutes les positions en même temps, nous pouvons douter de ses intentions réelles. Par exemple, lorsqu’un politicien tient deux discours opposés à deux foules différentes, notre réflexe est de douter de ses allégeances et de se dire qu’il est électoraliste (ne cherchant que le plus de voies possibles au suffrage, et non le bien commun). C’est peut-être pour se protéger que nous adoptons cette posture, mais ça ne veut pas dire que l’individu soit pour autant un charlatan. D’ailleurs, les panelistes passent beaucoup trop de temps à se démêler dans les apparentes contradictions des politiciens. Malgré qu’elle soit une norme démocratique, elle sert principalement à discriminer.

Ainsi lorsqu’Aristote dit « Il est impossible d’être un homme et de ne pas être un homme en même temps, » il n’entend pas homme au sens biologique du terme. Pour les Athéniens, un homme est un homme libre de la Cité : il parle grec et il participe de la vie démocratique. Il a une place et une voie à l’Assemblée. Ainsi, il n’est ni une femme, ni un esclave. Soit nous avons une voie à l’Assemblée, soit nous ne l’avons pas. Ceci n’est pas une preuve que le principe de non-contradiction « se tient » ou « est vrai », mais il indique qu’il ne s’applique que lorsqu’il est construit ainsi. La norme de la non-contradiction est le fruit de construits : il n’est pas un donné de la nature, elle est faite de la Cité.

Une norme de discrimination

Cette norme sert principalement à discriminer une entité : soit en invalidant un individu dans l’appareil administratif-légal ou une proposition en logique. Dans la « vraie vie », entre deux candidats à un poste, ou entre deux témoins devant un juge, nous écartons ceux qui semblent s’être contredit comme quoi ils ne seraient pas fiables. Ainsi, il suffit de se contredire pour être péjoré et discrédité. Même si on ne s’est pas nous-même contredit, si la part de l’histoire racontée introduit des contradictions dans l’histoire qu’un juge ou un inspecteur essaie de construire, le témoignage sera suspect et le témoin considéré menteur. Ainsi, la non-contradiction comme principe sert à totalement contredire au point de voir son témoignage annulé, sa candidature refusée : le premier axiome de la connaissance chez Aristote est un critère d’invalidation.

En logique formelle, lorsqu’on tente de résoudre un énoncé, nous le solutionnons en déterminant la valeur de vérité de chaque proposition. Pour ce faire, nous procédons à ce qu’on appelle une preuve par l’absurde. Il s’agit de faire l’hypothèse du contraire de la proposition afin de voir si elle introduirait une contradiction. Par exemple, si dans l’énoncé suivant « A et B implique A ou B » est valide » je m’interroge sur la valeur de vérité de A, je pourrais faire la preuve par l’absurde en faisant l’hypothèse « ¬A » et si j’arrive à y trouver une contradiction, c’est-à-dire, à déduire « A » de « ¬A », alors « A » est absurde et j’ai prouvé que « ¬A » est vrai. Cependant, il est une tautologie qui semble avoir été écartée (comme le sont bien souvent les tautologies dans les milieux « A-cas-demi-queue ») et qu’il vaille la peine de redécouvrir et j’espère avoir assez montrer les raisons éthiques de se départir d’une telle norme. Voyons ce que nous pouvons faire lorsqu’on admet que la non-contradiction n’est pas un mal. Il est parfois nécessaire que une chose ne soit pas pour qu’elle soit, et inversement qu’elle soit pour qu’elle ne soit pas.

Faire le plein de vérités creuses

La tautologie que je veux redorer est la suivante : « A ≡¬A→A ». Ceci signifie que pour qu’une chose soit, il faut que le fait qu’elle ne soit pas implique qu’elle soit. Même dans les cas où elle n’est pas, le fait qu’elle ne soit pas implique matériellement qu’elle soit. Le contraire est aussi vrai ¬A≡A →¬A. Une autre manière le formuler est : « A n’implique pas (¬→) ¬A si et seulement si (≡), non(¬)A implique(→)A. » En français, cela se dit ainsi : « l’être d’une chose exclut le non-être de cette même chose (a.k.a. le principe de non-contradiction) si, et seulement si, son non-être implique son être. » Ceci stipule, entre autres, qu’une chose puisse être vraie mais fausse, dès lors qu’elle n’est pas en même temps fausse mais vraie. Cela s’écrit par les formule tautologiques suivantes :

¬(A→¬A) ≡ (¬A→A)

On peut déduire une proposition de son contraire pour autant qu’on ne puisse déduire son contraire de la proposition, et vice-versa

ou encore :

∀A ∃¬A ⇒ A

Pour toute proposition (∀A), il existe une proposition contradictoire (∃¬A) de laquelle on puisse la déduire (⇒ A).

Ce genre de tautologie est définie comme en logique et en mathématiques comme une « vérité creuse », c’est-à-dire qu’elle est vraie simplement parce l’antécédent n’est pas satisfait (pourquoi ont-ils eu l’intuition qu’il valait mieux dire que c’est « vrai » plutôt, qu’indéterminé? Je n’ai même pas envie de leur demander, (ce sont les mêmes qui refusent de diviser par zéro). J’argumente ici que la « creusité » de ces vérités sont un artéfact de la compression du langage naturel dans le langage de la logique formelle: une compression qu’on pourrait dire lossy.

En vérité, dans le langage naturel, cette « vérité creuse » est pourtant remplie assez facilement. Pour que le poussin ne soit pas un œuf non-poussin ¬(A→¬A), il a fallu qu’il cesse d’être un non-poussin œuf pour être poussin (¬A→A). Sans la négation de l’œuf, le poussin ne serait jamais devenu poussin. Pour toute chose, il faut qu’elle ne soit pas afin qu’elle soit (¬A→A) et qu’elle ne soit pas implique quand même qu’on en ait une notion, mais qu’on puisse concevoir d’une chose n’implique pas qu’elle soit : ¬(A→¬A). Le non-poussin implique le poussin (¬A→A), si et seulement si, le poussin n’implique pas le non-poussin ¬(A→¬A), le poussin est sorti de l’oeuf, mais il ne redevient pas oeuf. L’être d’une chose n’implique pas le non-être de la même chose ¬(A→¬A) est identique à ce que (≡) le non-être de cette chose implique son être(¬A→A).

Le non-être d’une chose exclut son être est identique à ce que son être implique son non-être.

Résolution du « paradoxe » de Russell

Le paradoxe de Russell est plutôt simple, c’est que l’ensemble des ensembles qui se contiennent eux-mêmes serait paradoxal. Or, avec cette tautologie, il ne l’est plus. C’est simplement que nous avons écarté certaines vérités comme creuses, et on s’est retrouvé avec un paradoxe au fondement même de toute la connaissance. Si l’ensemble des ensembles qui se contiennent eux-mêmes se contient lui-même, alors il ne se contient pas, mais s’il ne se contient pas, alors il se contient. L’erreur que fait ici Russell, est d’avoir écarter les vérité creuses. (A → ¬A) →(¬A → A).  Ainsi, l’ensemble se contient lui-même, mais ce lui-même qui se contient ne se contient pas lui-même.

Si l’ensemble {x|x ne contient pas x} contient {x} [ou A ¬A],
alors {x} ne contient pas {x|x ne contient pas x} [¬(¬A
A)].

Que fais-je ici? En français, je fais que l’ensemble se contient lui-même, mais cet ensemble de lui-même qu’il contient ne se contient pas lui-même. Russell confond l’ensemble {x} avec les instructions {x|x ne contient pas x}. C’est comme s’il te foutait la recette d’un gâteau dans le gâteau alors que la recette te dise d’imprimer la recette et de la rajouter dans le gâteau. {x} n’est pas {x|x contient x}. Le fameux « | x contient x » sont les instructions pour construire l’ensemble, mais c’est le {x} qui est l’ensemble.

Je n’ai aucune misère à concevoir cet ensemble. Disons que {{a}, {b}, {c}…{w}} est l’ensemble {x|x ne contient pas x et ne contient pas {x}} Je n’ai qu’à ajouter {x}, auquel cas, ça ressemblera à { {a}, {b}, {c}…{w}, {{a}, {b}, {c}…{w}} } et pour faire court, {{a}, {b}, {c}…{w}, {x}}. Ainsi, les instructions {x|x ne contient pas x} sont satisfaites… car x n’est pas {x}. Ainsi, { {a}, {b}, {c}…{w}, {{a}, {b}, {c}…{w}} } ne contient pas { {a}, {b}, {c}…{w}, {{a}, {b}, {c}…{w}} } sinon ce serait une régression à l’infini.

Donc l’ensemble des ensembles qui ne se contiennent pas eux-même se contient lui-même mais non pas sa définition ou les instruction « ensemble des ensembles qui ne se contiennent pas eux-même ». L’ensemble des ensembles qui ne se contiennent pas eux-même n’est pas lui-même l’ensemble des ensembles qui ne se contiennent pas eux-même, ce n’est, une fois construit, qu’un ensemble sans sans définition. Il faudrait, en voyant cet ensemble, un autre travail de déduction pour arriver à comprendre qu’il s’agit de l’ensemble des ensembles qui ne se contiennent pas eux-mêmes. Nous n’aurons sur notre écran que l’ensemble suivant : { {a}, {b}, {c}…{w}, …, {{a}, {b}, {c}…{w}…} } et nous ne verrions pas le {x|x ne contient pas x}. Gardez en tête, que bien qu’il semblerait avoir une copie de l’ensemble dans l’ensemble, cette copie ne se contient pas elle-même, donc elle est un ensemble qui ne se contient pas lui-même et satisfait donc pleinement la définition.

Toutes les fois qu’on m’explique le paradoxe, on me répète la séquence « mais s’il ne se contient pas, alors il doit se contenir, mais s’il se contient, alors il ne se contient pas… » etc. Comme s’ils mettaient l’ensemble et le retiraient tour à tour, sans fin, comme des gens qui ne cherchent pas à arrêter de travailler. Le « paradoxe de Russell » pointe en vérité l’ensemble {x|x ne contient pas x mais contient {x|x ne contient pas x}}, là oui, il y a des instructions contradictoires, car (¬(A →¬A) →(A →¬A)) est nécessairement faux. Cest une antilogie, (le comble pour un logicien!) mais ce n’est pas un paradoxe sinon qu’on a assisté à une parade de doxa (d’opinions) sur la question depuis trop longtemps.

La tautologie comme zone de liberté contradictionnelle

Le principe de non-contradiction est mise au banc par une vérité pourtant dite creuse. Du fait que de ¬A je puis avoir A, sans que de A je puisse avoir ¬A, la contradiction a une place à prendre. Pour qu’une chose ne puisse être mais ne pas être, il faut qu’elle ne soit pas mais soit en même temps. « Faire de la philosophie ne fait pas de toi un philosophe » est identique à « ne pas faire de la philosophie fait de toi un philosophe. » C’est une tautologie, c’est nécessairement vrai : ces deux phrases disent la même chose; elles sont identiques. Ensemble, ces deux énoncés contradictoires forment une tautologie. En tant que tautologie, elle permet une vaste gamme d’interprétations et d’usages.

Par exemple, si un pédant te rabaisse en te disant « faire de la philosophie ne fais pas de toi un philosophe », rabroue-le en lui répétant « donc ne pas faire de la philosophie a su faire de toi un vrai philosophe ». Mais, vous aurez peut-être remarqué la poly-valence de sens dans ces énoncés. Personnellement, je l’utiliserais plus pour narguer la discipline philosophique, que pour y tailler ma place. Car je crois sincèrement que plus on cherche à « être philosophe » en se conformant aux normes « unis-vers-Sith-ère défi-low-sophie », moins on l’est, car ce n’est pas de la philosophie qu’on y fait, au mieux de la philologie, tout au plus de l’histoire de la philosophie, ou pour lesdits éthiciens, carrément de la sophistique.

C’est une interprétation possible, et c’est pourquoi je traite de la philosophie sous le mode de la prophétie, et de religion sous l’étiquette « philosophie ». Je crois qu’un « ami de la sagesse » n’est pas un « expert de la philosophie ». Être philosophe pour moi, c’est une vie qu’on vie, quelque chose qu’on est dans tout ce qu’on fait, comme un littéral ami, et non pas quelque chose que l’on sait. Si tu peux me résumer les trois critiques de Kant en 1h, bravo, c’est vraiment un exploit, mais est-ce une preuve d’amitié pour la sagesse ou plutôt être fanboy des livres écrits en allemand obscur par, pour le coup, un philosophe des siècles passés?

Ainsi, cette tautologie : « faire de la philosophie ne fait pas de toi un philosophe, donc ne pas faire de la philosophie fait de toi un philosophe, » je  peux l’employer de plusieurs manières, dans plusieurs contextes, avec des sens contradictoires, et un autre peut le faire aussi. « J’aime parler en tautologie, car ainsi, j’ai toujours raison, peu importe le contexte » est elle-même une tautologie. En tant qu’ami de la sagesse, c’est bien ainsi que j’aime parler. Et ce que d’autres appellent « vérités creuses » sont pour moi « creuset de vérités ».

Conclusion

J’arrive donc ici à écarter l’axiome du principe de non-contradiction, ça n’est pas un principe, mais plutôt un « code de conduite » qui permette des écartades sans devoir être écarté, le tout, avec une résolution du paradoxe de Russell. J’ai montré comment est né de la pseudo-démocratie athénienne cette norme de non-contradiction et comment Aristote en a fait l’axiome premier de la connaissance de l’être : donc d’une norme discriminante, sinon débilitante des nuances en « À-sang-boléss gênèrent-El » à un faux principe tenant science à la gorge autant pour le physicien que pour le politicien. J’ai aussi montré en quoi son assouplissement d’axiome premier à « creuset de vérité » possibilise la réappropriation et l’empowerment de personnes exclues par des normes confondues en loi. Je ne vois pas pourquoi on continuerait de chasser la contradiction de nos vies. En vérité, je crois que rares sont les fois où les gens se contredisent vraiment. C’est beaucoup trop souvent sur les apparences de contradiction que nous nourrissons des narratifs dévalorisants les uns sur les autres.

Prophétie

Lorsque l’axiome premier de la connaissance est principalement utilisée comme arme pour s’attaquer les uns la dignité des autres, il est temps de se déplacer du front au campement de la sagesse où il n’y a de l’espace que pour l’amitié où j’y serai à enseigner des fragments d’Héraclite : « Si tu n’attends pas l’inattendu, tu ne le trouveras pas, car il est pénible et difficile à trouver. » Et lorsqu’on le trouve, ça n’est pas ce à quoi on s’attendait : même attendu, l’inattendu ne perd pas sa qualité d’inattendu.

Pourquoi ce texte figure-t-il dans les prophéties? Car la poly-valence de sens d’un énoncé n’a jamais été l’adage des « filous-zoufs ». C’est celui des religions. Quand Jésus dit « qui ne porte pas sa croix n’est pas digne de moi », certains en portent une petite autour du cou et s’en dignifient, d’autres se mettent des fardeaux sur le dos et se disent que c’est ça être bon chrétien. Quand l’Ancien Testament communique la « volonté de Dieu » par des récits, c’est bien pour ouvrir les possibilités d’interprétations et de sens, non pas pour les diminuer comme le fait si bien cet Emmanuel Kant avec des mots technicisés qu’il a poli au poil près avec ses propres définition. Moi, les mots, je les impoli, pour les poly-fier, afin qu’on cesse de policer ces fiers dé-polis­­-cisé.

Et si un universitaire s’est senti brîmé par ce texte, je ne m’en excuserais pas. Si tu trouves du financemenent pour poursuivre la guerre à la contradiction, encore moins. Un être de contradiction comme moi, qui s’assume, n’a pas peur de se faire de tels ennemis.

Bonus:

Pourquoi y a-t-il de l’être et non pas rien? Car comme il y a de l’être, ceci implique, en toute vérité creuse, qu’il aille fallu que le rien implique matériellement l’être. Nous savons donc que tu non-être vient nécessairement l’être.

  1. Chez Aristote, en plus de d’avoir des oppositions individuelles, c’est toute la Cité qui est en fait divisé en groupes opposés : les femmes et les hommes, les hommes libres et les esclaves, les Athéniens et les étrangers… C’est à se demander comment Aristote ait pu croire que c’est une vérité métaphysique que la non-contradiction alors qu’il conçoit lui-même la société comme une totalité de contradictions. ↩︎


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